21 février 2018
Médias

Les maladies de la vigne et du bois : Une menace croissante pour le vin français Des solutions innovantes en perspective

Compte-rendu de la table ronde du 8 février 2018 à Arbois

Conclusions du rapport parlementaire et recommandations
Par Jean-Marie SERMIER,

Député du Jura et auteur d’un rapport sur les maladies de la vigne et du bois

Depuis 2001, les maladies de la vigne, notamment l’esca, sont de plus en plus présentes en France. En cause, l’absence de traitement efficace depuis l’interdiction légitime de l’arsénite de sodium. Présentes dans tous les vignobles et s’attaquant à de nombreux cépages, ces maladies sont un vrai fléau pour tous les viticulteurs.

En 2014, le rapport d’information parlementaire sur les maladies de la vigne et du bois, rédigé avec Mme Catherine QUERE, ancienne députée de Charente-Maritime, soulignait que 15 à 18% des pieds de vigne en France étaient touchés. Avec un milliard d’euros de perte de chiffre d’affaires pour la cave France, l’impact économique est considérable. Les conséquences sont lourdes et diverses : pertes pour l’Etat avec des entrées fiscales sur les bouteilles de vin diminuées ; pertes de capacité d’exportation du vin français ; baisse des emplois en zone rurale ; impact sur les paysages, etc.

Dans la continuité du rapport, une proposition de loi destinée à enrayer la propagation des maladies de la vigne et relative au développement et à la diversification territoriale de la filière viticole a été déposée le 24 octobre 2017. L’objectif est notamment de faciliter le défrichage des vignes abandonnées, d’accentuer et de coordonner les efforts de recherche et de mobiliser tous les acteurs. C’est un texte d’appel à la mobilisation pour éviter que les maladies de la vigne n’avancent comme le Phylloxera en son temps.

Biologie des maladies et impact sur la quantité et la qualité des raisins et du vin
Par Céline ABIDON,

Ingénieur viticole à l’Institut Français de la Vigne et du Vin (IFV)

Esca, eutypiose, Black Dead Arm, etc., les maladies du bois sont nombreuses et complexes. Elles se manifestent sous différents faciès et impliquent un cortège de champignons pathogènes dans des conditions pédoclimatiques variées. Par exemple, pour l’esca, les quatre principaux champignons sont Phaeomoniella chlamydospora Phaeoacremonium minimum Eutypa lata et Fomitiporia mediterranea Pour lutter contre ces maladies, les difficultés sont multiples. Tout d’abord, nous disposons de peu de connaissances sur le fonctionnement même de ces maladies. Les champignons travaillent ensemble, mais on ne sait pas comment. Par ailleurs les symptômes sont multiples, aussi bien sur le bois avec par exemple l’amadou, une masse spongieuse claire, que sur les feuilles ou les baies. Ces maladies conduisent à plus ou moins long terme à la mort du cep.

L’espoir aujourd’hui réside dans le renforcement des efforts de recherche. Ils sont essentiels dans la mesure où il reste de nombreuses inconnues et qu’il existe peu de solutions. Depuis quelques années de multiples projets ont vu le jour. En 2017, par exemple, un plan national dépérissement du vignoble a été mis en place par FranceAgriMer et bénéficie d’un financement de 10,5 millions d’euros sur trois ans. Neuf projets ont été mis en place en 2017 et d’autres sont encore à venir pour 2018 et 2019.

Focus sur la situation dans le Jura : évolution et perspectives
Par Jean-Charles TISSOT
, Président du Comité Interprofessionnel des Vins du Jura
et Gaël DELORME, Conseiller viticulture Société de Viticulture et Chambre d'agriculture du Jura

Le vignoble jurassien s’étend sur près de 2 000 hectares, il dispose de sept appellations et on y trouve cinq cépages différents, dont trois spécifiques au Jura. Sur 80 kilomètres, 107 communes disposent d’une activité viticole.

En 2017, sur un réseau de 20 parcelles de savagnin et trousseau, 23,8% des ceps étaient improductifs ou symptomatiques des maladies du bois. Les viticulteurs ont des approches différentes. Beaucoup ont recours principalement à la technique du remplacement (ou complantation). Cependant, l’impact économique, dont la perte de production de raisins, est très important. Par exemple, sur le réseau de 20 parcelles, seuls 56% des remplacements 2011 sont en production en 2017. L’objectif est donc de limiter l’impact de cette technique.

Pour lutter efficacement contre les maladies de la vigne, les enjeux sont multiples. Pour commencer, il est essentiel de mieux comprendre les maladies en s’organisant, par exemple, en réseau local, national, international et en confrontant les résultats de recherche. Par ailleurs, pour lutter contre le fléau, les différentes solutions doivent être testées. Enfin, il est indispensable de communiquer et de transmettre les informations par des bulletins, des réunions régionales, des modules techniques, des formations, etc.

La mobilisation collective est indispensable puisque l’esca est une maladie multifactorielle et d’équilibre, et qu’il n’y a pas qu’une seule solution.

Quelles solutions ? Des innovations en phase avec l’agroécologie
Par Pierre-Antoine LARDIER,

Responsable du pôle viticulture BASF France division Agro

Conscient des enjeux liés aux maladies du bois, BASF a lancé il y a plus de 10 ans un grand projet de recherche qui a permis de développer une solution intelligente. Cette nouvelle solution, en cours d’autorisation en France, apporte une double protection physique et chimique pour empêcher de manière préventive aux champignons de pénétrer dans le bois. Une protection physique car elle agit comme un pansement pour éviter une infection. Un polymère pulvérisable dans une solution aqueuse forme un film protecteur solide à la surface de la plaie générée par la taille. Une protection chimique car la solution contient deux substances fongicides, la pyraclostrobine et le boscalid qui permettent de lutter efficacement contre les spores des champignons. BASF annonce une efficacité au laboratoire de ce produit de plus de 70 %. Cette solution n'ayant qu'une action préventive, n'aura que peu d'effets sur les plants déjà colonisés par les champignons. C’est pourquoi BASF recommandera de privilégier l'application de ce produit lors des premières années après l’implantation des plants.

Par ailleurs, BASF a noué un partenariat étroit avec la société allemande MESTO et le fabricant d’outils de taille FELCO pour développer un pulvérisateur adapté à la problématique des plaies de taille. Léger et se présentant sous la forme d’un sac à dos, le pulvérisateur intelligent permet de concilier précision (application très localisée avec une dose ajustée) et ergonomie, avec un coût supportable pour les exploitations viticoles. Il peut être utilisé avec une température extérieure jusqu’à -3°C. Il est donc adapté à une application lors de la période de la taille de la vigne qui s’étale entre décembre et mars.

En apportant la bonne dose au bon endroit et au bon moment, cette solution sûre est en phase avec l’agroécologie. Il s’agira d’une pièce de plus pour combattre ces maladies et un élément innovant dans une approche nécessairement globale.

Dernière mise à jour 21 février 2018